Le microbiote digestif du cheval

03/02/2023

Le système digestif du cheval, comme celui de l’Homme, possède un microbiote digestif, c’est à dire qu’il est colonisé par une multitude de micro-organismes (bactéries, virus, archées, protozoaires et champignons). Le microbiote du cheval est extrêmement développé et permet une digestion microbienne des aliments, étape indispensable aux besoins du régime alimentaire herbivore du cheval.

Ce microbiote joue un rôle essentiel dans la digestion mais également sur les fonctions du système immunitaire, du métabolisme général ou encore certaines fonctions neurologiques. Comprendre son importance et son fonctionnement est primordial pour ne pas dégrader la santé et le bien-être du cheval, ses performances sportives et/ou reproductrices.

EDHYA vous propose de découvrir les principaux fondamentaux de la flore digestive dans cet article.

Qu’est-ce que le microbiote du cheval ?

Le microbiote digestif, ou flore digestive, regroupe l’ensemble des micro-organismes (bactéries, virus, champignons, protozoaires et archées) qui vivent dans le tractus gastro-intestinal du cheval.

Même si les études sur le microbiote intestinal ont, pour la majorité, été réalisées chez les ruminants ou chez les porcs, de plus en plus de scientifiques s’intéressent à celui des équidés chez qui il est tout aussi riche et complexe.

 

L’implantation du microbiote digestif du cheval se fait principalement pendant les deux premiers jours de vie du poulain et au cours du premier mois. Il se met en place par le contact des micro-organismes du lait, du vagin de sa mère et de l’environnement, la principale source de la flore chez le jeune étant donc celle de sa mère. Voir notre article à ce sujet

 

Où trouve-t-on le microbiote digestif chez le cheval et quel est son rôle ?

Chaque organe du système digestif possède une population adaptée à l’environnement dans lequel elle se développe : température, pH, humidité et présence ou absence d’oxygène. La population présente dépend également des fonctions de l’organe dans lequel elle se trouve comme par exemple la dégradation de l’amidon, la digestion des fibres, etc. Elle varie donc en fonction des compartiments du tractus digestif : estomac, intestin grêle et gros intestin.

La flore stomacale ou microbiote de l’estomac

L’estomac du cheval possède un microbiote assez riche avec une population de 106-107 UFC/mL de contenu gastrique (UFC = Unité Formant Colonie). On y trouve une population bactérienne assez variée, principalement des genres Streptococcus et Lactobacillus adaptés à ce milieu acide. Les bactéries présentent sont généralement aéro-anaérobies facultatives (elles peuvent se développer avec ou sans oxygène).

L’estomac est le siège de l’amorcement de certaines digestions microbiennes. En effet, la présence de bactéries amylolytiques (bactéries ayant pour but de dégrader l’amidon et produisant du lactate) ainsi que des bactéries utilisatrices de lactate permet la dégradation des glucides, dont l’amidon. Il a été montré que l’amidon était digéré jusqu’à 60% par fermentation bactérienne dans l’estomac.

L’estomac du cheval ne contient toutefois aucune bactéries fibrolytiques capables de digérer la cellulose. Les fibres n’y sont donc pas digérées.

Les autres constituants de la ration comme les protéines commencent seulement à être digérés dans l’estomac grâce à l’activité enzymatique de ce compartiment. Le microbiote n’intervient donc pas dans la digestion de ces constituants au sein de l’estomac.

 

Nous ne sommes qu’aux prémices de la compréhension du microbiote de l’estomac du cheval. Son rôle précis et son fonctionnement et encore mal connu.

 

La flore intestinale : intestin grêle et gros intestin

On distingue deux types de flores intestinales : celles de l’intestin grêle et celle du gros intestin. La différence se situe dans les types de concentration de micro-organismes présents dans la flore qui les colonise.

 

La flore de l’intestin grêle

L’intestin grêle contient environ 106 à 107 UFC/g de digesta (contenu digestif).

La flore est composée uniquement de bactéries, majoritairement des bactéries lactobacilles, d’entérobactéries, de streptocoques et de quelques bactéries du genre clostridium et staphylocoques. L’intestin grêle présente des bactéries aéro-anaérobies facultatives et anaérobies strictes (développement uniquement sans oxygène).

Comme dans l’estomac, une activité microbienne modérée a lieu dans l’intestin grêle. La dégradation des glucides se poursuit grâce aux bactéries amylolytiques et aux bactéries utilisatrices de lactate, en parallèle de la forte activité enzymatique de ce compartiment qui dégrade les autres constituants.

Les fourrages ne sont toujours pas dégradés dans l’intestin grêle, les bactéries fibrolytiques y étant toujours absentes.

La flore du gros intestin

Le gros intestin est le siège de l’activité microbienne. La population y est très riche et très diversifiée, en faisant un organe complexe et efficace mais également fragile.

Les types de micro-organismes et leurs concentrations varient en fonction des différentes parties du gros intestin (caecum, côlon (ventral et dorsal), petit côlon et rectum). On distingue :

  • Des protozoaires, majoritairement ciliés, présents dans le cæcum et le côlon avec une concentration d’environ 104-105 cellules/mL de contenu digestif. Dans plusieurs études, il a été suggéré que ces micro-organismes participaient à la dégradation physique des tissus végétaux mais leur rôle reste peu étudié chez le cheval.
  •  Des bactéries, très présentes dans le gros intestin. Il en existe plus de 2000 espèces et elles forment la population la plus importante de la flore du gros intestin. Majoritairement anaérobies, les bactéries ont une concentration totale de 107 à 109 UFC/mL de contenu digestif.
Plusieurs types de bactéries ont été identifiées :

La majorité des bactéries identifiées appartiennent au phylum des bactéries cellulolytiques et fibrolytiques capable de digérer les différentes sources de fibres. Des bactéries cellulolytiques spécifiques à l’espèce équine ont été identifiées dans le caecum (ex : Ruminococcus flavefaciens).

Des bactéries utilisatrices de lactate, des bactéries glycolytiques et des bactéries amylolytiques sont également présentes dans le gros intestin et capables de dégrader les glucides non pariétaux et les glucides facilement fermentescibles. Enfin, des bactéries protéolytiques capables de dégrader les protéines, l’ammoniac et les acides aminés ont également été mises en évidence dans le caecum.

  • Des champignons anaérobies, présents dans le caecum et le côlon, avec une concentration de 102 à 104 zoospore/mL de contenu. La faune fongique identifiée dans l’intestin équin est typique de l’espèce. Ces champignons permettent de la dégradation de la cellulose (mécanismes peu connus pour le moment).
  • Des archées, majoritairement méthanogènes, présentes dans le caecum et dans le côlon (concentration de 6.3 x 105 cellules/mL de contenu digestif dans le caecum).

Il a été montré à partir des années 1970 que les virus bactériophages étaient présents dans les fèces équines (103 à 1011 phases/g de fèces) mais aucune étude ne quantifie pour l’instant leur présence dans le tractus digestif.

Grâce à ses paramètres physicochimiques (pH neutre, forte humidité, température stable aux alentours des 38°C et l’absence d’oxygène), au brassage continu et à l’arrivée permanente de nouveau substrat, le gros intestin est le fermenteur idéal pour le développement de ce microbiote.

Tableau de synthèse des types de micro-organismes dans le tractus digestif

*X = présence ; NR = non répertorié (différent d’absent)

Importance du microbiote digestif équin et facteurs de variations

Le microbiote a plusieurs rôles majeurs chez le cheval. Il représente un élément indispensable à la digestion des herbivores et permet au système digestif du cheval d’être adapté à la digestion des fibres et des fourrages. En effet, la flore microbienne constitue le seul « outil » de dégradation des fibres. Elle permet ainsi la production d’énergie disponible pour le cheval par la production d’AGV (acides gras volatils), et peut couvrir à elle seule 70% des besoins en énergie !

Différents facteurs peuvent influencer la population du microbiote.

  • L’individu lui-même : Il a été montré qu’il y avait des diversités entre les individus en fonction de la race et du type génétique, mais aussi entre individus élevés de la même façon. Il y a donc une spécificité individuelle du microbiote digestif.
  • Le stress et l’exercice physique : Plusieurs études ont souligné que l’exposition à une période d’entraînement longue durée ou à un effort plus intense qu’à l’accoutumé aurait un impact sur la population du microbiote digestif. Il en va de même suite à une exposition au stress, notamment face au stress du transport qui impact la communauté bactérienne et pouvant impacter négativement ses performances dans le cas où le cheval serait transporté pour une échéance sportive.
  • Les pathologies digestives : Plusieurs pathologies peuvent impacter la population du microbiote et donc impacter les performances digestives (ex : colites, fourbures, etc.).
  • L’alimentation et les apports nutritionnels : c’est le facteur de variation qui a le plus été étudié. Il a par exemple été montré que les rations riches en amidon impactaient les populations de protozoaires (diminution dans le caecum et augmentation dans le côlon) et de bactéries anaérobies (augmentation de la population totale). Il a également été souligné que l’augmentation de la part de concentrés dans les rations pouvait entrainer une augmentation de la population de bactéries utilisatrices de lactate et une diminution du nombre de bactéries cellulolytiques. Peu d’études ont été réalisées sur l’impact de l’apport de matières grasses ou de protéines en excès dans les rations, mais il semblerait qu’il n’y ai pas d’impact sur le microbiote. Enfin, il a été prouvé à plusieurs reprises que les perturbations du microbiote digestif liées à l’alimentation pouvaient être limitées par l’utilisation de probiotiques et notamment en levures vivantes.

 

Sources  :

Martin-Rosset, W. et coord. 2012. Alimentation des chevaux. Paris : Editions Quae. 

NRC (Comittee on Nutrient Requirements of Hors), 2007. Nutrient Requirement of Horses : Sixth Revised Edition. 6ème edition. Washington, D.C. : The National Academies Press. 

Wolter, R. 1999. Alimentation du cheval. 2ème édition. Paris : Editions France Agricole.

Sadet-Bourgeteau, S. et Julliand V. 2015. La diversité de l’écosystème microbien du tractus digestif équin. INRAE Prod. Anim., 25 (5) : 407-418.

Da Veiga, L. and al. 2005. Comparative study of colon and faeces microbial communities and activities in hoses fed a high starch diet. Pferdeheilkunde 21 : 45-46.

Faubladier, C. et al. 2006. A comparaison of colon and faeces microbial diversities in horses using biomolecular techniques. Reprod. Nutr. Dev. 46, S14.

Mackie, R. I. and Wilkins, C. A. 1988. Enumeration of anaerobic bacterial microflora of the equine gastrointestinal tract. Appl. Environ. Microbiol., 54 (9) : 2155-2160.

Genoux, N. et al. 2022. La digestion chez le cheval : une physiologie adaptée à l’ingestion des fibres en continu. [article en ligne]. https://equipedia.ifce.fr/elevage-et-entretien/alimentation/nutrition-et-ration/la-digestion

 

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